Quand la peinture devient un jeu : danser avec le chaos

Il y a plus d’un an de cela, je me suis rendu compte que ma vie manquait un peu de pétillant, de jeu, de fantaisie. Alors j’ai décidé d’entamer une série de peintures que je voulais "joueuses". Je voulais transcrire mon envie de gaieté et de fun sur la toile. Je souhaitais que cette série soit à la fois amusante à créer et à regarder. Le concept était vraiment général, et je n'avais aucune idée de la manière dont j'allais procéder.

J’ai donc commencé à travailler sur des petits formats sur des panneaux de bois de 30x30. Assez vite, parce que je m’étais vraiment éloignée de ma manière de peindre habituelle, je me suis retrouvé bloquée.

J’ai laissé les peintures de côté pendant plusieurs mois. Elles étaient là, sur une étagère, et semblaient me reprocher de ne pas m’occuper d’elle. Tu nous as laissées en plan semblaient-elles dire.

Les premiers passages de peinture et collages

Récemment, j’ai eu envie de m’y remettre. Je ne sais pas si c’était la lumière particulière ce jour-là, ou l’arrivée du printemps, ou encore le fait que je me sentais peut-être plus en forme parce que j’avais mieux dormi... Toujours est-il que j’ai repris ces peintures et que j’ai décidé de les faire aboutir.

Je les ai posées sur ma table de travail. Je me suis dit que je n’avais rien à perdre parce que de toute façon elles n’étaient pas très avancées. Ce qui était dessus pouvait très bien être recouvert si ça ne me convenait pas, et donc j’ai recommencé à travailler sur ces quatre petits formats.

Ça n’a pas été évident mais peu à peu une sorte de négociation subtile s'est opérée entre mon intention et la matière. J’ai accueilli le hasard. Je me suis autorisé à avancer sans savoir vraiment où j’allais, mais en faisant confiance au processus.

Souvent j’encourage les personnes qui suivent mes cours à jouer, à retrouver l’esprit du jeu. Mais jouer ça ne veut pas dire faire n’importe quoi. Jouer, c’est accepter de perdre le contrôle tout en restant attentive ou attentif. C’est un peu comme danser : on a une intention, une direction mais on se laisse aussi porter par le mouvement. Jj’ai repris ma palette de couleurs. des couleurs vives, fluo, très gaies. Des formes ont émergé : nouvelles, différentes, pas forcément comme je les avais imaginées initialement mais comme elles voulaient naître. J’ai observé ce qui se passait sur le support, et j’ai réagi à ce qui se produisait. Et au final j’ai été surprise, par exemple, par ce bouquet qui est surgit sans que je m’y attende.

Tu prendras bien un bock avec moi, mixed media sur panneau de bois

Une seule toile a résisté. Et elle, elle m’a vraiment donné du fil à retordre. Alors, au bout d’un moment j’ai décidé de faire ce qu’on fait dans ces cas-là, c’est-à-dire d’avoir un geste radical qui allait complètement changer la donne. J’ai collé de nouveaux papiers et puis je les ai déchirés. Je n’aurais jamais obtenu ce résultat si je n’avais pas rencontré d’obstacles en cours de chemin, mais ce qui a émergé sur cette toile-là me la rend particulièrement chère. Elle ouvre peut-être une nouvelle piste. Elle est peut-être le premier exemplaire d’une nouvelle direction à suivre en peinture.

Vandale, mixed media sur panneau de bois, 30x30

Au final, ces toiles sont bien des peintures joueuses, qui inaugurent une nouvelle direction que je n'ai pas fini d'explorer. J'ai eu beaucoup de plaisir à les faire aboutir, même si j'avoue qu'à un moment, j'ai douté de ma capacité à en venir à bout.

La création artistique finalement ça ressemble beaucoup à la vie : on ne contrôle pas tout, mais on peut choisir comment on réagit.